Nous sommes vendredi soir, il est 21h au Rodéo. La nuit vient juste de tomber. Alors qu’au loin les lumières des gratte-ciels des quartiers riches de Santiago brillent de mille feux, les lampadaires de notre quartier peinent à s’allumer. De vieilles enceintes crachent les derniers tubes d’un été qui touche à sa fin. De petits groupes se forment autour de bidons rouillés faisant office de barbecue de fortune, les bouteilles de bières se débouchent les unes après les autres, les trafiquants et la drogue passent de groupe en groupe. La nuit et ses démons prennent possession du quartier. Nous sommes vendredi soir. Et pourtant ce vendredi soir est différent : avec quelques amis, nous avons organisé une veillée d’adoration en plein cœur du quartier. La petite cloche de la chapelle sonne à tout va et semble pourtant étouffée par la musique assourdissante de la rue. Les portes de la chapelle sont grandes ouvertes. Tout est beau. Jésus est là, exposé sur l’autel dans le Saint Sacrement. Les habitants du quartier s’avancent près de l’autel, les uns après les autres, pour ouvrir leur cœur à Celui qui comprend tout ! Les petits et les pauvres viennent déposer une bougie au pied de Jésus. Chacune d’elle représente une intention, une personne ou encore un fardeau trop lourd à porter. Ce soir encore, Jésus touche profondément les cœurs et répand sa Miséricorde. Alors que les lumières de la chapelle se rallument une à une et nous replongent dans la réalité de notre quartier, nous retrouvons la rue et son univers. Cependant ce soir-là, quelque chose à changé! Pour nous le montrer, le Seigneur nous envoie un beau cadeau. Sorti d’une petite ruelle du quartier, un jeune débarque vers nous et nous lance : «J’ai quelque chose à vous donner !» Nous lui demandons de quoi il s’agit et très vite Carlos nous explique : «Il y a trois jours ma maison a entièrement brûlé. J’ai tout perdu. La municipalité est venue me déposer un énorme sac d’habits. Dedans y avait plein de fringues de fillettes et chez nous y a pas de petites filles, alors je me suis dit que vous sauriez bien quoi en faire !» Touchés par une si belle générosité de cœur, nous demandons à Carlos de nous conduire chez lui. Nous arrivons devant une petite porte en fer que Carlos pousse en plaisantant : «Entrez mais ne faites pas attention au désordre !» Au milieu d’un terrain désolé trônent à l’air libre un évier et une baignoire. Au fond, un petit abri en bois à été construit en urgence. De celui-ci sort Cécilia, sa sœur. Très émue elle nous raconte que son fils Jorge est la cause de l’incendie. Jorge a dix ans, il est trisomique. Il jouait dans sa chambre à l’étage avec une boîte d’allumette. Quand il dévale les marches de l’escalier en criant, les flammes ont déjà envahi une bonne partie de la maison! Aujourd’hui il ne reste plus rien. Mais le plus édifiant est qu’il ne reste plus rien non plus dans leur cœur : pas de rage ni de colère...aucune révolte! Après un bon moment passé ensemble, nous proposons à Carlos et Cécilia de prier ensemble. Nous demandons ce soir-là au Seigneur de rester fidèle et d’envoyer sa Providence. Nous supplions la Sainte Vierge d’accorder à cette famille la force. Au moment de nous quitter, nos cœurs sont à genoux devant la richesse cachée de ces pauvres. Richesse de ceux qui n’ont rien sur cette terre mais qui possèdent un véritable trésor dans les Cieux. Richesse de ceux qui n’ont pour seul bien que la fidélité du Seigneur. Nous confions à vos prières Carlos et sa famille. Nous vous confions aussi le chantier à mettre en place pour reconstruire leur maison. Que notre charité se fasse inventive!
Joséphine et Olivier
Missionnaires au Chili pour Misericordia depuis Novembre 2013