Nous sommes mardi soir, nous sommes en retard. Bible et cahier à la main, nous courons à travers les rues du quartier, sommes arrêtés par l'un ou l'autre de nos voisins qui nous salue ; nous échangeons quelques mots sur sa famille et repartons en courant. Nous finissons par arriver à la préparation au baptême où nous sommes attendus. Depuis un mois, nous avons tissé une belle relation avec Paula. Nous retrouvons chaque semaine cette trentenenaire dynamique chez sa soeur, pour la préparation au baptême de ses neveux dont elle va être la marraine. Cette jeune femme nous touche beaucoup par ses questions et sa curiosité. Vendredi soir dernier, alors que la veillée d'adoration venait de se terminer, Paula s'est précipitée vers nous : “mardi prochain, il faudra qu´on reparle de ce soir ! ” Elle semble avoir de nombreuses choses à nous dire et attise notre curiosité ! C'est ainsi qu'avant de démarrer la réunion assidûment préparée, nous lui demandons son sentiment sur cette fameuse veillée. D´habitude si enthousiaste, le visage de Paula s'assombrit. Elle baisse les yeux et commence à nous raconter “Vous savez, il faut que je vous dise : je suis venue à cette veillée de prière parce que vous m´avez invitée, mais cela faisait 8 ans que je n´étais pas rentrée dans une église. Je n´ai pas du tout réussi à prier, les souvenirs se bousculaient dans ma tête, je n'ai rien suivi de toute la veillée. Je parlais avec Dieu et me rappelais de toute cette histoire, j'en avais des choses à Lui dire !”. Les larmes commencent à couler et nous l'écoutons. La voix brisée par un sanglot, Paula nous explique qu'elle allait souvent visiter la personne qui habitait juste en face de la maison dans laquelle nous sommes. “C´était une vielle dame très gentille, elle m´a vu naître. Jusqu’à l'âge de 10 ans, j'ai cru qu'elle était ma grand-mère ! Elle vivait très pauvrement, mais elle s'en sortait. Un jour, il y a 8 ans, elle est tombée malade.” Le regard de Paula se perd dans le vide quelques secondes. Les larmes coulent abondamment sur son visage, nous n'osons pas dire un mot. Elle reprend : “Pendant sa maladie, j'allais la voir tous les jours. Alitée, cette dame ne pouvait plus rien faire seule. Je lui apportais à déjeuner, je la lavais comme je pouvais. C'était dégoûtant chez elle, il y avait des puces sur son lit, elle vivait dans une grande pauvreté.” “A cette époque, j´étais très impliquée dans la paroisse, je venais régulièrement à la chapelle et j'aidais comme je pouvais." Son visage couvert de larmes, Paula se mouche et reprend : “Je pleurais tous les jours en pensant à cette dame que j'aimais tant. Trois mois après le début de sa maladie, j'ai dû m'absenter une semaine. Quand je suis revenue, elle était morte, morte seule. J´en ai tellement voulu à Dieu. Nous sommes soufflés. Avant que nous n´ayons eu le temps de dire quoi que ce soit, elle reprend : “Je me suis rappelé de tout cela vendredi. Et j´ai compris une chose : ce n'était pas la faute de Dieu. Ce n'est pas sa faute. Je ne lui en veux plus.” Après un moment de silence, nous remercions Paula pour la confiance qu’elle nous accorde en nous racontant cette souffrance encore si présente et nous lui demandons pardon au nom de l’Eglise si elle ne s’est pas sentie suffisamment soutenue pendant cette période difficile. Mais surtout, nous nous réjouissons avec elle de son chemin de retour à Dieu : comme c'est beau et grand ! Et au fond de nos cœurs, nous sommes renouvelés dans notre désir de mieux servir nos frères. Pas seulement avec notre volonté, mais aussi avec nos mains !
Joséphine et Olivier
Missionnaires au Chili pour Misericordia depuis Novembre 2013